La Ferme du rail : construction bio-sourcée et solidaire.

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@Christine Hoarau-Beauval – article issu de la visite de chantier du 27 janvier 2019.

Située rue de l’Ourcq, dans le 19èmearrondissement de Paris, « La Ferme du Rail » est l’un des projets lauréat de l’Appel à Projets « Réinventer Paris », lancé en novembre 2014 par la Mairie de Paris. Sous l’impulsion d’Yves Rénaud, directeur général de Travail et Vie, insertion par le logement et insertion par le travail sont ici associées pour créer un espace « agri-urbain intégré ». Le bâtiment qui additionne logement, exploitation agricole et restaurant, est construit avec plus de 90% de matériaux en filière sèche bio-sourcés (bois, paille, terre) et des matériaux de récupération (béton concassé de réemploi).

Une expérimentation réussie, mais qui ne s’élabore pas sans compromis.

Le terrain tout d’abord, délaissé de la Petite Ceinture, c’était la décharge à batteries, pneus, culasses,… des garages automobiles clandestins à proximité. « Les architectes prônaient la résilience totale : assumer le terrain pollué, ne rien évacuer. » dit l’AMO Marc Series. Mais le terrain étant plus pollué que prévu il a fallu terrasser davantage. L’ensemble, honoraires, évacuation des terres polluées, construction et aménagements, a coûté 3,3 Millions d’Euros.

Le « Tout bois » était le parti pris initial. Là aussi, il a fallu faire quelques concessions en intégrant un peu de béton, pour respecter la date de livraison stricte de septembre 2019. Le bâtiment d’hébergement en R+3 sera construit sur dalle béton en ossature bois au sens du NF DTU 31.2, avec remplissage des murs par bottes de paille*. Le second bâtiment en R+1 (cuisine/restaurant au RDC et serre au premier niveau) aura un cœur béton et une structure bois produite par le charpentier francilien Vaninetti. En façade, un bardage ventilé en ganivelle de châtaignier, viendra habiller le tout.

Le projet est certifié NF Habitat HQE et conforme au Plan Climat Paris : 90 kWhEP/m².an.

* La paille : parti-pris et retour d’expérience.

Les bottes de paille utilisées proviennent de la culture de céréales de Rambouillet en région parisienne. La paille de blé compressée constitue un isolant thermique et phonique performant et régule l’humidité des pièces en assurant la respiration du matériau. Les bottes sont compressées à 80 kg/m3 et livrées avec un taux d’humidité compris entre 15 et 20. Ce qui leur donne une résistance thermique de 7,1 m².K/W. Les casiers aménagés dans l’ossature bois les maintient en compression.

La paille assure à la fois le rôle de remplissage (des murs extérieurs, intérieurs, des toitures, et des cloisons) et d’isolation de la paroi. La charpente a été calibrée en fonction des dimensions traditionnelles d’une botte soit la création de caissons de bois de 47*38*90cm. Les ouvriers remplissent sur site ces caissons de manière à ne laisser aucun jeu. Ce dispositif est stable sur plusieurs décennies, ne se tasse pas et ne demande aucun entretien. Si la paille est bien inerte (pas de présence de graines), il n’y a rien à craindre des rongeurs, et si elle est traitée, elle ne se sera pas plus sensible au feu.

La question de la toiture plane a été l’élément le plus délicat à traiter. Il s’agit d’une toiture froide avec caisson de paille horizontaux, surplombés d’une étanchéité sous une terrasse accessible sur plots. « C’est sans doute une première et c’était un aspect essentiel du projet, car la toiture va servir quotidiennement pour l’agriculture urbaine. » nous dit Marc Serieis. Les coursives sont en bois massif et dimensionnées pour supporter de la terre végétale abondante. Les ouvriers d’APIJ bat (entreprise d’insertion) ont rempli les caissons de la toiture hors-site chez le charpentier Vanineti. Ils ont fait une étanchéité provisoire le temps de monter les acrotères en bois et les ouvrages qui seront supports de l’étanchéité définitive. Mais au lieu de faire des relevés, ils ont fait des superpositions de bâches. Additionné à des conditions météo humides (pluie, neige), cela a provoqué un incident qui a retardé le chantier : l’eau s’est infiltrée dans les caissons de paille et a provoqué un dégât des eaux. « On a d’abord tenté de n’enlever que les bottes de paille humides, mais finalement la moisissure s’est répandue partout. Le gain de montage en atelier été perdu, il a fallu tout reprendre.» déplore Marc Series.

Focus : Concilier insertion professionnelle et calendrier de chantier.

La logique de ce chantier n’est pas d’optimiser le ratio temps / tâches mais d’identifier lot par lot des tâches à réaliser pour les ouvriers en insertion. Par exemple, la manutention et les moyens de levage traditionnels sont pris en charge par Travail et Vie. C’est un maillage d’acteurs qui génère 30% d’heures de chantier en réinsertion – le quota Ville de Paris est à 5% –mais qui a eu un impact significatif sur l’organisation opérationnelle.

Après la synthèse technique, la mise au point chantier a duré 3 mois au lieu d’un. Le choix du Lean managementméthode productiviste adaptée au bâtiment par Nicolas Bonnard a permis de coordonner la réalisation du chantier et de tenir les délais.

Qu’est-ce que cela implique ? Le calendrier est bien plus élaboré que la méthode classique : chaque tâche unitaire est décomposée par ouvrier, notée sur un Post-it, insérée dans la timeline, et chaque entreprise a une couleur de Post-it attribuée. Les réunions hebdomadaires se font, non pas avec les conducteurs de travaux, mais avec les chefs d’équipes et les ouvriers. La marge de retard nommée « Buffer » (tampon) y est alors révisée collectivement et non plus par entreprise. « Cela permet une meilleure anticipation des aléas et ne suscite pas de surcoût », selon Marc Sereis.

Fiche technique

Maître d’ouvrage : Rehabail

Maîtrise d’oeuvre : Julia Turpin et Clara Simay

Paysagiste : Mélanie Drevet

AMO généraliste, certifications et OPC : Albert & compagnie

BET TCE : Scoping

BET Thermique : Pouget Consultants

Surface utile : 630 m2

Surface : 1371 m2

Budget travaux : 3,3 millions d’euros HT

Coût total : 4,5 millions d’euros HT

2.500 euros du m2bâti HT

Dates :

Démarrage opération (résultat concours) : 2016

Démarrage chantier : 1eTrimestre 2018

Livraison prévue : septembre 2019.

© Christine Hoarau-Beauval.

https://www.batirama.com/article/25965-la-ferme-du-rail-ossature-bois-et-isolation-repartie-en-paille.html

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