Rénovation : les pathologies du Château d’Ansembourg.

#Journalisme

@Christine Hoarau-Beauval – article publié le 14 septembre 2018 dans le Moniteur BTP.

Un chantier de Monument Historique qui consacre la pertinence d’un matériau naturel biosourcé comme réponse au fléau de la mérule.

Racheté en 1986 par un maître d’ouvrage privé, le château d’Ansembourg au Luxembourg constitue l’un monument historique majeur du Grand-Duché. Il connait une restauration ambitieuse depuis les années 1990, avec le concours du service des Sites et Monuments Nationaux. Il y a neuf ans, Ngoma Madoki, architecte de l’atelier MKD se voit confier la réfection de quelques dizaines de mètres carrés du R+1 du corps central du bâtiment. « Les diagnostics ont montré que la rénovation serait plus importante que prévue. Le maître d’ouvrage a alors accepté de s’embarquer dans ce cas d’école des pathologies de la construction », déclare l’architecte. Outre des problèmes structurels qui mettaient en péril la stabilité du bâtiment, il fallait régler l’inattendue contamination généralisée de 1.500 m2 de murs par la mérule, champignon lignivore.

Ayant l’aspect d’une toile d’araignée, elle fait son nid dans la pierre, et se nourrit de la cellulose du bois, un matériau largement présent dans ce château. Il faut quatre conditions au développement de la mérule : la présence de nutriments (cellulose, bois et dérivés), le manque de ventilation, l’humidité du support entre 22% et 35% et une température entre 20°C et 26 °C. Dans certains cas, lorsque la propagation est trop avancée il est nécessaire de brûler le bâtiment, car le bois ne se traite pas et le champignon peut rester des siècles à l’état latent, pour reprendre son développement dès que les conditions le permettent. Le traitement a donc dû être radical. Dans les étages, une grande partie des planchers, des structures portantes, des plafonds ont été déposés. Les enduits étaient également infectés. Mais comment garantir au maître d’ouvrage que la mérule ne vas pas reprendre sa prolifération ? En en plus du traitement fongicide injecté dans la pierre, il est nécessaire d’assurer une bonne ventilation, afin d’éviter l’humidité, d’éviter les ponts thermiques et de stabiliser la température à 20°C. « Notre produit à base de chaux et de chanvre laisse respirer la paroi et  constitue à ce titre une réponse adaptée », répond Yannic Santandreu, responsable technique de BCB Tradical.

La méthode.

Un test avec le matériau chaux – chanvre a d’abord été mené fin 2016 sur une pièce de 4 x 4 m et représentant une superficie totale de 44 m². Après validation du modèle, l’ensemble des murs infectés a été décapé couche par couche jusqu’à la pierre. Avant le traitement, toutes les causes d’humidité (infiltrations, fuites,  humidité  ascensionnelle,  ou  pénétrante…) ont été supprimées et une bonne ventilation des lieux rétablie. Des injecteurs ont ensuite été mis en place afin d’imbiber la pierre de produit fongicide anti-mérule. Cinq litres/m² de mur sont nécessaires. Une fois la pierre assainie et séchée par ventilation naturelle, on va venir appliquer le béton de chanvre. Mais dans le cas d’un monument historique, il faut respecter la perméance du mur tout en préservant les éléments décoratifs ou ornementaux révélés (moulures, papier-peint, décorations). C’est de cette contrainte qu’est née une double innovation : l’association chanvre-chaux aérienne, qui fait sa prise à l’air en utilisant le gaz carbonique de l’air, et l’invention d’une ossature métallique inversée des parois (voir encadré p XX). De plus, la consommation énergétique en sera considérablement limitée. Un beau projet soutenant la filière chanvre locale ainsi que les matériaux du bâtiment naturels. Le chantier devrait aboutir d’ici fin 2019, après 10 semaines de travaux réparties sur 10 mois.

FOCUS TECHNIQUE : Une paroi à ossature métallique comme un paravent.

La double contrainte que représente la présence de mérule dans un monument historique a obligé à innover dans la mise en œuvre du béton de chanvre. La création d’une structure secondaire à ossature métallique a été nécessaire pour ne pas projeter directement la mérule sur la pierre. Des profils galvanisés de 48 mm d’épaisseur ont d’abord été positionnés tous les 40 cm à la verticale du mur existant. Puis, le béton de chanvre est déversé entre le mur et le coffrage, recouvrant peu à peu la structure indépendante. Pour un remplissage parfait, des épaisseurs de matière respectant la règlementation, et un positionnement esthétique, au nus des frises et autres éléments conservés de l’existant, l’astuce a été d’utiliser des profils en U et de poser les rails face creuse vers l’extérieur. Le matériau enrobe ainsi la structure, elle-même fixée au mur de pierre, et crée une cloison « déposable » n’altérant ni le support, ni la structure du bâtiment. En plus d’être totalement réversible, le chaux-chanvre régule l’hygrométrie du volume habitable et du mur. Sur les murs extérieurs, il assainit et améliore les propriétés d’isolation. Sur les refends, il améliore les propriétés acoustiques.

 

https://www.lemoniteur.fr/article/ansembourg-debarrasse-de-ses-coins-a-champignons.1990374

 

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